vendredi 8 août 2014

L' OCL défend la paix et le droit à l' autodétermination des peuples

Position de l’OCL À propos des massacres de Gaza de la question palestinienne 
Position de l’OCL À propos des massacres de Gaza, de la question palestinienne et de ses répercussions en France
L’offensive contre Gaza est la dernière en date des tentatives de l’État d’Israël de briser l’unité de la lutte de libération palestinienne qui menace sa domination coloniale.
Arrêter les massacres de l’offensive en cours est urgent et impératif mais cela ne suffira pas. Sans résolution du conflit qui mette un terme à ses racines et à ses fondements, une nouvelle agression israélienne suivra celle-ci, l’occupation et le blocus de Gaza se poursuivront indéfiniment.
Se battre pour la paix en Palestine, c’est se battre contre la complicité de l’État français et contre l’état de guerre permanent qu’impose la politique coloniale du projet sioniste.
Le PS, encore et toujours, du côté des exploiteurs et des colonisateurs
Pointons d’abord l’hypocrisie d’un gouvernement qui prétend ne pas vouloir « importer le conflit en France » mais une fois que lui a pris clairement position dès le départ, en soutenant ouvertement et bruyamment l’Etat d’Israël (« le droit d’Israël de se défendre »), en cautionnant les bombardements frappant principalement des maisons, des commerces, des écoles et multipliant par dizaines, puis par centaines, les massacres de civils palestiniens pris au piège dans une enclave minuscule, densément peuplée et totalement bouclée.
Mais le gouvernement français ne s’en est pas tenu là : il a franchi une nouvelle étape dans sa politique infâme : l’interdiction de la manifestation de solidarité avec les Palestiniens des samedis 19 et 26 juillet.
Quand Hollande soutient Netanyahu
On apprend selon un communiqué publié par l’Élysée, qu’Hollande a eu un entretien téléphonique avec Benyamin Netanyahou le 9 juillet, afin de lui exprimer « la solidarité de la France face aux tirs de roquettes en provenance de Gaza » en rappelant que « la France condamne fermement ces agressions », tout en « précisant qu’il appartient au gouvernement israélien de prendre toutes les mesures pour protéger sa population face aux menaces et de prévenir l’escalade des violences », ce qui constitue de fait un véritable permis de tuer alors même que le chef de l’État d’Israël faisait, depuis deux jours, bombarder massivement la bande de Gaza en lançant l’opération « Bordure protectrice » : mobilisation de 40 000 réservistes, déploiement de blindés à la frontière de Gaza, ouvrant la voie à une offensive terrestre.
Le 13 juillet, première grande manifestation contre l’attaque israélienne : près de 30 000 personnes en colère déferlent dans les rues de Paris, où aux militant-e-s anticolonialistes de toujours s’est agrégée une composition majoritairement jeune, prolétaire, des quartiers populaires de la périphérie et notablement avec une très importante présence féminine.
A la fin de la manifestation du 13 juillet à Paris, les militants de l’extrême droite sioniste (LDJ) provoquent des incidents dans le quartier de la Bastille, notamment aux alentours de la synagogue de la rue de la Roquette où ils avaient appelé leurs sympathisants à se rassembler. Des manifestants pro-palestiniens se rendent dans cette rue proche de La Bastille pour protester contre la présence de cette bande de fascistes dans le quartier et si possible les virer de là. Ils se font charger par les membres de la LDJ qui leur balancent les tables et les chaises d’une terrasse de bistrot et quelques autres objets. Quelques secondes plus tard, une contre-charge des pro-palestiniens fait courir les sbires sionistes dans l’autre sens et les contraint à se réfugier derrière un cordon de CRS…
Le soir même de la manifestation parisienne de soutien aux Palestiniens du 13 juillet, le CRIF (officine qui s’autoproclame la représentante des Juifs de France et véritable ambassade-bis de l’État d’Israël à Paris) publie un communiqué où il « demande l’interdiction des manifestations en faveur du Hamas (…), l’interdiction des manifestations, de rassemblements ostensiblement violents et radicaux qui représentent un trouble à l’ordre public, dont notamment celui qui doit avoir lieu samedi prochain à Paris » (communiqué publié sur son site). Parallèlement, une ‟information” se répandra comme une traînée de poudre dans tous les médias et au plus haut sommet de l’État : des juifs et une synagogue ont été attaqués par des manifestants antisémites pro-palestiniens.
Le témoignage du responsable de la synagogue de la rue de la Roquette remet, un peu, des choses en place : « Pas un seul projectile lancé sur la synagogue [...] À aucun moment, nous n’avons été physiquement en danger »[1], alors que dans sa communication, le CRIF n’a pas hésité à parler de « pogrom », de synagogue « assiégée », de « Nuit de cristal » et qu’une très grande partie des médias ont abondamment relayé cette manipulation. Cette politique du pire menée depuis des années par les mouvements sionistes consiste non seulement à gonfler et instrumentaliser les actes antisémites avérés, mais à en inventer d’autres purement et simplement, c’est-à-dire à en faire exister là où il n’y en a pas et à participer ainsi à créer volontairement un certain climat – nauséabond, pestilentiel – dans lequel l’antisémitisme peut se banaliser.
Du soutien à l’offensive israélienne à l’interdiction des manifestations
Lors de son allocution du 14 juillet, Hollande répète que « le conflit israélo-palestinien ne peut pas s’importer ». Conflit « israélo-palestinien » comme s’il y avait hier un conflit « franco-algérien »..., manière de nier la nature anticoloniale de cette lutte en plaçant les protagonistes, colonialistes et colonisés, sur le même plan pour mieux renverser l’ordre des responsabilités et mieux présenter ceux qui résistent comme les responsables des troubles et de la violence. Hollande est sans doute un ‟social-libéral” mais il s’inscrit dans la vieille tradition de la gauche politique française et enfourche la même rhétorique que celle de la SFIO de naguère, la social-démocratie historique, celle qui s’est particulièrement illustrée en menant et en soutenant les guerres coloniales que l’État français a livrées jadis dans son empire et qui désignait, déjà, les résistants indochinois ou algériens comme des ‟terroristes”.
Le 15 juillet, le CRIF est reçu à l’Élysée où son président Cukierman, réitère sa demande d’interdiction des manifestations pro-palestiniennes, et notamment celle du 19 juillet à Paris. Il sera parfaitement entendu, puisque ce sera là la ligne du gouvernement (Valls, Cazeneuve, Préfecture de Police de Paris, Préfecture du Val d’Oise, des Alpes Maritimes…), relayée dans cette sale besogne par une institution ‟indépendante” du gouvernement mais pas de l’appareil d’Etat, le Tribunal administratif de Paris qui a validé cette interdiction [2].
Hollande et son gouvernement, comme l’essentiel de la classe politique et des médias, se disent favorables à la « paix » mais la seule paix qu’ils envisagent est celle qui entérine la domination coloniale d’Israël sur la Palestine, une pacification qui poursuit l’annexion de Jérusalem-Est et la colonisation de la Cisjordanie (dont, rappelons-le, 62% est directement administrée par la puissance coloniale), qui interdit le retour des réfugiés, qui contrôle et pille ses ressources naturelles, notamment hydriques, qui enferme les populations palestiniennes dans des prisons à ciel ouvert, derrières des murs, des barbelés et des miradors, qui pratique ouvertement un apartheid ethno-religieux en se définissant comme « État juif » c’est-à-dire « pour les seuls Juifs », avec la complicité des puissances occidentales, des bourgeoisies et féodalités arabes et, de fait, du ‟gouvernement” fantoche de l’Autorité palestinienne.
En interdisant les manifestations de solidarité avec les Palestiniens massacrés par les bombes de l’armée coloniale d’Israël, le gouvernement a non seulement choisi son camp, mais utilise la force de la raison d’État habillée sous le prétexte de l’« ordre public » et défendue par les instruments de répression à son service pour bâillonner la solidarité avec la Palestine et au-delà, pour faire taire la dissidence et les oppositions à sa politique et à ses projets.
De l’usage de l’antisémitisme
Mais ce faisant, il alimente le fol engrenage de la politique du pire qu’impose le rhétorique sioniste qui n’a d’autre ‟argument” que désigner toute opposition à l’État d’Israël, à sa nature coloniale et à sa politique raciste, comme ‟anti-juive” et antisémite.
Un piège mortel et un jeu dangereux avec des allumettes à côté d’un baril de poudre – y compris et en particulier pour les juifs –qui invente et fabrique de l’antisémitisme là où il n’y en a pas. En fait, le sionisme est une théorie de la séparation qui n’a jamais combattu l’antisémitisme mais le suscite et s’en nourrit. C’est un formidable cadeau fait aux vrais antisémites de toutes sortes qui se frottent les mains de tant de publicité, qui peuvent espérer accroitre leur audience dans la confusion sciemment créée et alimentée, qui en tirent déjà profit en faisant croire que leurs idées progressent et peuvent recruter en conséquence.
Soyons clairs. Il y a de l’antisémitisme partout, dans tous les recoins de la société française, les partis, les syndicats, les entreprises, chez les prolos et les bourgeois, chez les cadres supérieurs et les petits fonctionnaires… et il y en a beaucoup trop. Qu’il y ait des infiltrations de quelques antisémites convaincus et militants dans les manifestations pro-palestiniennes et qu’il y ait aussi, depuis des années, des ‟tentations antisémites” diffuses quand la colère se fait aveugle et qui, avec une bonne dose d’ignorance et de bêtise, se transforme en haine des juifs pour ce qu’ils sont ou, plus précisément, pour ce qu’ils sont supposés être, il n’y a aucun doute. Mais la seule manière de combattre efficacement l’antisémitisme, ce n’est pas se contenter de proférer des condamnations et des dénonciations de principes aussi justes et nécessaires soient-elles ; ça consiste à refuser les termes du conflit imposés à la fois par les défenseurs de l’État d’Israël et les antisémites, à montrer leur collusion objective ; ça consiste à proposer une toute autre perspective, un autre horizon, le plus clair possible : la lutte de libération nationale et sociale en Palestine et son indispensable alliance stratégique avec les mouvements d’émancipation populaires de toute la région, en priorité avec ceux qui se situent à l’intérieur de la société israélienne, alliant et rassemblant sans distinction juifs, musulmans, chrétiens, athées, arabes, non-arabes et migrants.
Manifester en solidarité avec les Palestiniens et braver les diktats et les interdictions, c’est devenu aujourd’hui plus que cela.
C’est déjà défendre pied à pied les espaces d’expression et de mobilisation contre la raison d’État qui prétend défendre l’ordre public pour mieux défendre la politique pro-israélienne du gouvernement. C’est aussi refuser et dénoncer en mots et en actes le piège tendu par les sionistes et les antisémites qui, dans une complicité et une complémentarité parfaite, veulent imposer les termes du conflit qui les arrangent, en essentialisant ses protagonistes, en dépolitisant les enjeux, en falsifiant les données historiques et en justifiant par avance et a postériori les logiques d’extermination.
Malgré l’interdiction, la manifestation du 19 juillet a tout de même été maintenue par une grande partie de ses organisateurs initiaux et plusieurs milliers de manifestants ne se sont pas laissés intimider, ont désobéi et ont imposé leur volonté d’occuper la rue quoi qu’il en coûte. La tenue de la manif malgré l’impressionnant dispositif policier a été une claque pour le gouvernement et une première victoire pour le mouvement de solidarité avec les Palestiniens.
Mais la partie adverse ne lâche rien. Dès le lendemain, dimanche 20 juillet, journée la plus sanglante à ce jour de l’offensive israélienne à Gaza (plus de 140 morts palestiniens en moins de 24h), Valls et Hollande s’empressent de réaffirmer où est leur camp. Ils relancent l’offensive en reprenant l’argumentaire pro-israélien accusant les manifestants ‟pro-palestiniens” d’être des fauteurs de troubles et des antisémites, Valls s’offrant même le luxe de designer explicitement les « quartiers populaires » comme les lieux où se cacherait « la ‘haine du juif’ derrière un antisionisme de façade et derrière la haine de l’Etat d’Israël ».
Les quartiers populaires, c’est le prolétariat multinational des périphéries urbaines contemporaines, les ouvriers, les arabes, les pauvres, les bronzés de toutes les latitudes, les classes jugées éternellement dangereuses par et pour les possédants, et aujourd’hui stigmatisées par une diagonale politique qui relie le PS au FN en passant par l’UMP.
Le samedi 26 juillet, nouvelle manifestation interdite, nouvelle insoumission à cette injonction, avec encore plus de monde, près de 10 000 personnes rassemblées place de la République. Le gouvernement, dépité de ne pas être parvenu une seconde fois à imposer le silence malgré les menaces et les déploiements policiers, se venge en poursuivant en justice notre camarade Alain Pojolat pour avoir déposé son nom dans le cadre de l’organisation formellement légale du rassemblement.
La nouvelle attaque d’Israël contre Gaza
L’enlèvement des trois adolescents israéliens le 12 juin à proximité d’une colonie de Cisjordanie a été immédiatement attribué au Hamas par Netanyahu. Les responsables du Hamas en Cisjordanie ont immédiatement démenti. Même si le chef du Hamas en exil au Qatar, Khaled Mechaal, s’est « félicité » de ce rapt, tout en déclarant qu’il ne pouvait ni confirmer ni démentir que le Hamas en soit le responsable, il semble évident la direction du mouvement n’est pas à l’origine de cette action qui serait l’œuvre de membres d’un puissant clan local de la région d’Hébron, le clan Qawasmeh, qui est ou était effectivement lié au Hamas mais en conservant depuis toujours une large autonomie [3].
Pour le Hamas en pleine tentative de recentrage avec sa « réconciliation » avec le Fatah et la création le 23 avril 2014 d’un « gouvernement d’entente », cette action ne pouvait pas tomber plus mal. Qu’importe, pour le gouvernement israélien, le responsable c’est le Hamas et uniquement lui et c’est cette position qui sera réaffirmée dès le départ.
Pendant les trois semaines qui suivent l’enlèvement, l’armée israélienne multiplie les arrestations et les mises en détention administratives en Cisjordanie (une majorité de membres du Hamas dont des députés) et la saisie de matériel (ordinateurs) dans les locaux d’associations, impose un bouclage total d’Hébron, le couvre-feu pour 300 000 Palestiniens et tue 10 Palestiniens sans que la branche militaire du Hamas de Gaza ne lance la moindre roquette sur le territoire israélien, la plupart des tirs étant revendiqués par d’autres mouvements, notamment les Brigades Al-Qods du Jihad islamique et dans une moindre mesure les Brigades Abu Ali Mustafa du Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP) .
L’enlèvement et le meurtre du jeune palestinien de Jérusalem-Est, brûlé vif le 2 juillet, va provoquer à la fois un cycle de mobilisation et d’émeutes dans les villes arabes de Galilée et à Jérusalem, des rassemblements en Cisjordanie et le début d’une réplique armée depuis Gaza sous formes de lancers de roquettes. Aux pilonnages de l’armée israélienne répondront une croissante riposte des différents mouvements palestiniens : l’aile militaire du Hamas, mais aussi celles du Jihad islamique, des Comités de la résistance populaire, du FPLP, de groupes de combattants liés au Fatah et peut-être du FDLP. Une donnée à ne pas perdre de vue : autant le Hamas est contesté sur le plan politique dans la bande de Gaza, autant il y a une unanimité sur le fait de résister de manière armée aux attaques israéliennes.
Plus inquiétant encore pour Israël, selon l’analyste et auteur palestinien Ramzy Baroud, « la douleur et la colère provoquée par la mort de Mohammad Abou Khdeir, 17 ans, qui a été brûlé vif par des colons israéliens dans le cadre de ce déchainement, a favorisé ce réveil de l’identité nationale palestinienne depuis longtemps fragmentée ». Et ajoute-t-il, cette identité collective « qui a souffert en raison de murs israéliens, des tactiques militaires et de la propre désunion des Palestiniens, a été recollé dans un processus qui ressemble aux événements qui ont précédé la première et la deuxième Intifada de 1987 et 2000 respectivement »[4].
La vraie menace pour Israël : l’unité palestinienne débouchant sur une nouvelle Intifada
Depuis plusieurs mois, beaucoup a été dit et écrit sur la possibilité ou impossibilité de lancer une troisième Intifada. Bien malin qui peut affirmer la probabilité de l’une ou l’autre thèse avec certitude, mais une chose est sûre, c’est l’unité des Palestiniens qui menace le plus Israël. Pas l’unité – bien problématique au demeurant – des dirigeants et d’une combinaison visant à créer un interlocuteur unique dans le cadre d’une hypothétique reprise des négociations, mais l’unité de sa population dispersée et éclatée dans des statuts et des situations juridico-politiques distinctes, celle vivant dans les 3 zones de Cisjordanie, à Jérusalem-Est, à Gaza, en Israël, en exil, dans et hors les camps de réfugiés…
Car ces derniers mois, Gaza n’était plus au centre du jeu : la question des colonies en Cisjordanie et Jérusalem était revenu au premier plan, ainsi que celles des conditions de vie des arabo-palestiniens d’Israël (et notamment les Bédouins du Néguev), le droit au retour des réfugiés, et bien sûr, la levée du blocus imposé à Gaza par Israël et l’Égypte. Et finalement, c’est l’ensemble de la question palestinienne qui ressurgissait dans un contexte marqué par la crise de leadership de la résistance qui est aussi une crise de la « gouvernance » de la simple survie quotidienne de la société palestinienne, entre une Autorité palestinienne sclérosée et disqualifiée et un Hamas étranglé financièrement et désireux d’en finir au plus vite avec l’impasse de Gaza.
En avril et mai dernier, il y a eu une grève de la faim de plusieurs centaines de palestiniens incarcérés dans les prisons israéliennes contre les détentions administratives. Le 15 mai dernier, deux jeunes Palestiniens, Nadim Abou Siam Nuwara, 17 ans, et Mohammed Mahmoud Odeh Salameh, 16 ans, ont été tués par des soldats israéliens alors qu’ils participaient à une manifestation commémorant l’anniversaire de la Nakba, ou « catastrophe » de 1948. Des images vidéo montrent que Nadim se trouvait innocemment avec un groupe d’amis, avant de s’effondrer au moment où il a été frappé par une balle de l’armée israélienne. Depuis, l’évocation de la Nakba est revenue à l’ordre du jour. Depuis quelques mois, alors que sont annoncés en permanence de nouveaux projet de construction de milliers de logements dans les colonies, de nouvelles générations palestiniennes ont commencé à trouver les voies d’expression d’une colère en mettant des mots dessus, en se politisant, en faisant le lien entre vécu, histoire et contexte, en se mobilisant à de multiples occasions et de manière croissante, et significativement dans les localités peuplées majoritairement d’arabo-palestiniens en Israël.
Cette croissante conflictualité de la mobilisation s’est traduite dans les chiffres : entre le 15 mai et le début de l’attaque sur Gaza le 7 juillet au soir, Israël a tué 27 Palestiniens, dont des enfants.
Les véritables motivations d’Israël dans cette nouvelle attaque est de maintenir un état de guerre permanent et d’empêcher toute possibilité de “négocier” avec la partie palestinienne en séparant Gaza du reste de la Palestine et en brisant tout gouvernement d’union. Pour cela, le Hamas sert de repoussoir et la focalisation sur Gaza permet de maintenir le récit d’un conflit opposant Israël au ‟terrorisme” ou à l’‟islamisme”.
Depuis des mois, la ligne du Hamas s’est singulièrement infléchie et s’est rapproché du Fatah, c’est-à-dire l’Autorité palestinienne qui, rappelons-le, ne gouverne que sur 18% de la Cisjordanie [5]. Pour de nombreuses raisons qui peuvent se résumer à ceci : l’affaiblissement et l’impasse dans laquelle se trouve le mouvement islamiste (comme le Fatah) dans un contexte de chute notable de ses ressources financières et de ses soutiens politiques. Le Hamas, sans doute divisé sur la question, semble en effet avoir décidé d’abandonner à court terme la gestion directe du pouvoir politique au profit d’un retour à ses activités sociales, caritatives, religieuses, « civiles » ; un retour en quelque sorte à ce qu’étaient les Frères musulmans dont il est issu avec le maintien d’un pouvoir sur la société dite civile ne passant pas nécessairement par l’exercice d’un pouvoir politique.
Ces dernières années, le Hamas a en effet progressivement perdu des appuis parmi la population de Gaza où des mouvements de protestation et de désaffection se sont produits et faits entendre, en particulier dans la foulée du « printemps arabe ». Simultanément, le mouvement a aussi pâti de la fin des soutiens traditionnels dont il bénéficiait de la part de régimes comme ceux de Syrie et d’Iran et de mouvements politico-militaires comme le Hezbollah depuis le soulèvement et la guerre en Syrie et le départ d’Ahmadinejad de Téhéran. À cela s’est ajouté plus récemment, depuis le putsch militaire de juillet 2013 au Caire, l’interruption brutale du soutien offert par le régime des Frères musulmans en Égypte, soutien minimal mais vital pour la population et les mouvements de résistance que permettaient l’ouverture du terminal frontalier de Rafah et le laxisme observé sur le transit des marchandises par les dizaines de tunnels creusés sous la barrière frontalière.
Depuis le printemps dernier, le Hamas est littéralement étranglé financièrement, le régime égyptien bloquant les tunnels avec le Sinaï, seule source d’activité économique, à tel point que les fonctionnaires de Gaza ne sont plus payés.
C’est dans ce contexte que le 23 avril dernier, un nouvel accord de « réconciliation » entre le Hamas et le Fatah était signé dans le camp de Chati (nord de la ville de Gaza). Le 2 juin, un cabinet « d’entente » chargé de préparer la tenue d’élections présidentielle et législatives dans les six mois prêtait serment devant le président Mahmoud Abbas.
Cependant, si le Hamas est affaibli politiquement, il s’est renforcé militairement au cours de deux dernières années, en termes d’équipements, de structures défensives, de technique de fabrication d’armes, de logistique et de capacité stratégique. L’offensive d’Israël contre Gaza qui prétend s’attaquer aux capacités militaires du Hamas n’aura en tous cas pas d’autre résultat politique que de faire remonter le prestige de l’organisation islamiste et celle de ses combattants dans une bonne partie de l’opinion palestinienne.
D’un autre côté, le projet du Hamas de former un gouvernement d’entente nationale avec l’AP se heurte à la mauvaise volonté du clan entourant Mahmoud Abbas, dirigeant vieillissant, totalement discrédité et plus occupé à réprimer les manifestations de la rue palestinienne pour satisfaire Israël qu’à envisager de mettre en pratique une nouvelle politique de résistance à la colonisation basée sur cette unité au sommet. Les épisodes du mois de juin, alors que l’armée israélienne multipliait les arrestations et les opérations punitives en Cisjordanie, ont montré à quel point l’Autorité palestinienne ne disposait d’aucune autorité indépendante, sur aucune parcelle des territoires palestiniens, pas même sur les 18% de la Cisjordanie (la zone A) qu’elle est censée administrer exclusivement, sauf en envoyant ses forces de police pour disperser les manifestations anti-israéliennes comme encore récemment à Hébron.
Mauvaise volonté qui s’exprime par la poursuite du non-paiement par l’AP de Ramallah des fonctionnaires de Gaza recrutés depuis 2007, la paralysie des étapes du processus signé récemment, notamment le déploiement de la Garde présidentielle à la frontière de Rafah afin de lever le blocus égyptien sur Gaza ou encore la mise en place de comités paritaires pour la préparation des élections... sans parler du silence assourdissant de l’AP/OLP depuis l’offensive sur Gaza.
La « guerre contre le Hamas » n’est dans ce contexte qu’une tentative du gouvernement israélien de détourner l’attention. Le ciblage du Hamas est une tentative de plus pour bloquer indéfiniment la situation dans un statu quo et d’empêcher l’émergence d’une troisième voie, celle qui prend en compte l’ensemble des parties et facettes de la Palestine, « quel que soit le côté du “mur de séparation” israélien où ils vivent. »[6]
C’est cette unité palestinienne débouchant sur une Intifada populaire de masse qui est lourde de menaces : menaçant directement l’Autorité Palestinienne et aussi indirectement le Hamas, bloquant la création de nouvelles colonies, reprenant l’initiative contre l’annexion et la ‟judéisation” de Jérusalem-Est, ne lâchant rien sur le droit au retour des réfugiés, remobilisant les arabo-palestiniens d’Israël, de la Galilée au Néguev, bref, en replaçant sur la table et à la lumière du jour l’entièreté de la dimension coloniale du conflit et de la lutte de libération palestinienne.
C’est cette unité dans la lutte que les dirigeants israéliens veulent à tout prix éviter en commettant une fois de plus un bain de sang et des crimes de guerre, comme précédemment à Gaza (2008-2009, 2012), à Jénine (2002), au Liban (1982)… certains de l’impunité dont ils peuvent jouir grâce au soutien de l’ensemble des gouvernement de la « communauté internationale » et au terrible isolement dans lequel se trouve le peuple palestinien.
C’est cet isolement qu’il faut rompre. C’est l’État d’Israël qu’il faut isoler.
Arrêter les massacres, mettre un terme au projet sioniste
Arrêter les massacres de l’offensive en cours est urgent et impératif mais cela ne suffira pas. Sans résolution du conflit qui mette un terme à ses racines et à ses fondements, une nouvelle agression israélienne suivra celle-ci, l’occupation et le blocus de Gaza se poursuivront indéfiniment.
Se battre pour la paix en Palestine, c’est se battre contre la complicité de l’État français et contre l’état de guerre permanent qu’impose la politique coloniale du projet sioniste.
C’est affirmer haut et fort la solidarité avec le peuple palestinien dans ce moment crucial et la légitimité de sa résistance par tous les moyens qu’il juge nécessaire (non violents et armés) et cela passe aujourd’hui par les revendications démocratiques minimales exigées par l’appel palestinien du 9 juillet 2005 pour la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) : 1. Mettre fin à l’occupation et à la colonisation de toutes les terres arabes et démanteler le Mur ; 2. Reconnaître les droits fondamentaux des citoyens arabo-palestiniens d’Israël à une égalité absolue ; 3. Respecter, protéger et favoriser les droits des réfugiés palestiniens à revenir dans leurs maisons et propriétés comme stipulé dans la résolution 194 de l’ONU. 4. Mettre fin au blocus de Gaza.[7]
Cette résolution n’est pas une panacée et n’est pas exclusive d’autres actions mais elle vise ni plus ni moins qu’à porter, enfin, un coup d’arrêt définitif au projet sioniste. Ce faisant, elle peut contribuer de manière décisive à le mettre en crise, à démanteler les bases colonialistes et ethno-religieuses de l’État d’Israël, à faire voler en éclat le consensus social/national qui caractérise ce dernier et qu’il impose à l’intérieur de la société israélienne et en dehors, et à ouvrir une nouvelle situation de coexistence et de solidarité entre les peuples et de lutte communes contre leurs oppresseurs locaux et globaux, de quelque religion et/ou appartenance nationale, ethnique ou culturelle historique auxquelles ils se réfèrent.
Organisation communiste libertaire, 31 juillet 2014
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Notes :
[1] Le témoignage peut être consulté ici :http://www.itele.fr/france/video/in.... Ce témoignage et d’autres sources n’ont pas eu le droit d’être cités dans les médias. Autre manipulation médiatique où les sous-titrages des slogans scandés par les manifestants sont grossièrement bidonnés et falsifiés :https://www.youtube.com/watch?featu... Sur la fabrication d’une certaine ambiance médiatique pro-israélienne, on se reportera utilement à l’article « Offensive israélienne contre Gaza : les partis pris du traitement médiatique », Julien Salingue, Acrimed, le 18 juillet 2014 (http://www.acrimed.org/article4407.html )
[2] Une « justice » qui n’est pas non plus en reste sur un autre plan : 4 mois de prison ferme avec mandat de dépôt (incarcération immédiate) pour « rébellion » d’un manifestant « propalestinien » à Paris après un contrôle d’identité au faciès le 13 juillet : voir ici
[3] Clan connu pour, entre autre, avoir fourni au Hamas de nombreux candidats au martyr pour des attentats-suicide, notamment dans les années 1990.
[4] Ramzy Baroud, « Ravaging Gaza : The war Netanyahu cannot possibly win », le 16 juillet, World News Trust.
[5] La Cisjordanie est divisée administrativement en 3 zones. La zone A dans laquelle l’Autorité palestinienne exerce une autorité politique (administrative) incluant des pouvoirs de police, représente 18% du territoire. La zone B qui est co-administrée par l’AP (pouvoir civil) et la force occupante (police, armée) s’étend sur environ 20% de la Cisjordanie. La zone C, le plus grande (62% de la superficie), qui inclut les colonies et toute la vallée de Jourdain, est entièrement gouvernée et occupée par Israël qui contrôle la frontière avec la Jordanie et encercle les poches palestiniennes « auto-administrées » des zones A et B.
[6] Ramzy Baroud, idem.
[7] Site Internet de la campagne BDS France : http://www.bdsfrance.org/