mardi 24 décembre 2013

Bonnes fêtes de fin d' année

La LDH vous présente ses meilleurs voeux pour 2014
 EDITO : 2013, autant de montagnes, autant de souris...
 
Nous approchons jour après jour de ce moment où la tradition nous amène à dresser une sorte de bilan du passé tout en se souhaitant le meilleur pour l’avenir. Concernant le passage de l’année 2013 à 2014, ce vœu procède à la fois de l’urgence et de la nécessité.
Pierre TartakowskyPrésident de la LDH
 
 ACTUALITéS
 
Les événements de Bretagne : vraies crises et vraies manipulations
Par Michel Savy, Bureau national de la LDH, et Jean-Louis Galzin, groupe de travail « Développement durable »
Les événements de Bretagne sont un cas d'école quant aux mutations nécessaires. Mais ces événements ont aussi été des moments propices, en agitant un tant soit peu les racines et les drapeaux locaux, à des manipulations et récupérations indignes. Ils sont, enfin, les révélateurs des dangers, auprès d’une opinion en quête de sens autant que de pouvoir d’achat, de mesures mal préparées, mal expliquées, considérées au mieux comme accessoires, au pire comme des contraintes d'une politique sans vision.
Pisa : une enquête qui fait vaciller l'école ?
Par Françoise Dumont, vice-présidente de la LDH
Tous les trois ans, le rapport Pisa donne une photographie de l’état des compétences des élèves de 15 ans dans les pays développés et un nombre croissant de pays associés. Ce qui caractérise aujourd’hui le système éducatif français, c’est sa grande capacité à fabriquer des élites performantes et à laisser au bord du chemin un nombre croissant d’élèves de plus en plus faibles.
Le licenciement d’un salarié en raison de sa séropositivité est contraire au droit européen
Par Michel Miné, membre du Bureau national de la LDH
Une affaire, riche d’enseignements, qui attire l’attention sur l’aggravation des discriminations à l’encontre des personnes vulnérables en période de crise, et rappelle qu’une injonction de discriminer ne peut justifier une discrimination. Un arrêt de la CEDH qui souligne les ressources du droit européen du Conseil de l’Europe.
Loi de programmation militaire : lettre ouverte aux parlementaires
Lettre de la FIDH, de la LDH, de la Quadrature du Net et de RSF
Vendredi 13 décembre, une lettre ouverte a été adressée aux parlementaires pour leur demander de saisir le Conseil constitutionnel. Plus particulièrement, la présente requête porte sur la constitutionnalité de son article 20, anciennement article 13, visant à définir les modalités des interceptions légales des télécommunications exercées par les ministères de la Défense, de l’Intérieur, de l’Économie et des Finances, et du Budget.
Après le 18 décembre, Français et étrangers, agir ensemble pour le respect et l’égalité des droits !
Par Jean-Michel Delarbre, membre du Comité central de la LDH
Alors que la Convention internationale pour la protection des droits des migrants et de leur famille n’est toujours pas ratifiée par les pays développés, qui accueillent aujourd’hui un grand nombre de migrants, dans ces pays, leur accès aux droits tend à se dégrader : conséquence d’un aveuglement face à la réalité des migrations aujourd’hui, de leur nature et de leurs dynamiques propres.
Asile : un droit à reconquérir ? Le point à mi-décembre
Par Anick Lestage, représentante de la LDH à la CFDA
Les associations engagées dans la défense du droit d’asile s’interrogent sur l’effet de leur rôle dans la participation à la concertation engagée par le gouvernement sur l'évolution du droit d'asile. Rappelons qu’à ce stade il ne s'agit pas ici du projet de loi mais du rapport remis au ministre de l’Intérieur.
Outre-mers : une lettre d'information de la LDH
Pour favoriser la réflexion et l'action, la Ligue des droits de l’Homme, avec ses sections des départements et collectivités d’outre-mer et le groupe de travail du même nom vous propose une nouvelle lettre trimestrielle. Il s'agit une fois de plus d'assumer le général et le particulier car la LDH promeut l'universalité des droits, et agit pour tous les droits pour tous et partout.
 

Chronique des jurisprudences, NOV/DEC 2013

Par Patrick Canin, secrétaire général adjoint de la LDH
 International
 
Dénégation tacite des droits de l’homme aux Nations unies, intimidations militaires en Mer de Chine : jusqu’où peut-on aller trop loin ?
Bulletin « Les droits de l'Homme en Chine » - n° 81 - novembre 2013
Trois faits de nature apparemment différente mais qui recouvrent une même réalité : la Chine affirme sa puissance et cherche à pousser les murs ; et qui posent à l’extérieur une même question pressante : celle de la lucidité et d’une réponse efficace à la hauteur des enjeux.
Sur la liberté de création dans les pays de l’Europe centrale et orientale
Lettre « Les droits de l’Homme en Europe centrale et orientale » n° 8 - nov.-déc. 2013
Un an après le procès du groupe Pussy Riot, nous revenons, dans cette livraison, sur la liberté de création dans les pays de l’Europe centrale et orientale. Anda Rottenberg nous introduit à la dimension historique de la censure, singulièrement en Russie et en Pologne. Elle souligne que cette forme de répression n’est pas propre à cette région du continent comme en témoignent des atteintes à la liberté de création en Europe de l’Ouest à l’époque contemporaine.
Sommet ibéro-américain : un échec prévisible
Bulletin « Les droits de l'Homme en Amérique latine » n° 16 - octobre 2013
Le 23e sommet annuel ibéro-américain, réuni à Panama, s’est conclu par un constat d’échec et des interrogations renouvelées sur la raison d’être de ces sommets et des institutions créées autour du concept d’aire de coopération ibéro-américaine, alimentées par la conjoncture économique et sociale des pays fondateurs, Espagne et Portugal.
Sodastream : des publicités qui bafouent les droits des Palestiniens
Lettre ouverte de la LDH à Rémy Pflimlin, président de France Télévisions
Hongrie : l’État de droit à nouveau pris pour cible
AEDH et comité hongrois
Un sommet franco-africain, pour quoi faire ?
FIDH et LDH
Algérie : lettre ouverte à l’occasion de la visite officielle du Premier ministre en Algérie
Lettre ouverte cosignée par la LDH, la FIDH, le REMDH
Sept mois après le millier de morts de l'incendie du Rana Plazza au Bangladesh
Communiqué du FCRSE, dont la LDH est membre
Maroc : un rapport de mission qui dénonce la détention arbitraire
Communique du REMDH
 
 


LDHLDH
LIGUE DES DROITS DE L'HOMME - 138, rue Marcadet - 75018 Paris - France
Tél. : 01 56 55 51 00 | Fax : 01 42 55 51 21

jeudi 19 décembre 2013

Mélenchon... Populisme et vieux briscard-politicard...


Mélenchon… La grande illusion !
CHRONIQUE «IRONIQUES»
C’est toujours triste lorsqu’on a connu un artiste au sommet de son art de le voir péricliter. La scène, les applaudissements, les vivats du public sont une drogue dure. Rares sont les stars qui ont su raccrocher à temps. Pour ma part, j’éprouve une certaine tendresse pour ces êtres qui jusqu’au bout cherchent la chaleur des projecteurs. Dès lors, comment en vouloir à Jean-Luc Mélenchon d’avoir bidouillé son intervention au journal télévisé dimanche dernier. Alors qu’il nous avait promis «la foule des grands jours» pour sa marche en faveur d’une révolution fiscale, le chef du Front de gauche se trouvait quasiment seul, avenue des Gobelins, quelques minutes avant son direct sur TF1. Branle-bas de combat, panique à bord, il a fallu trouver à la hâte une vingtaine de militants afin que le vieux leader paraisse entouré. Pour que l’illusion soit parfaite, TF1, complice de cette mascarade, avait filmé Jean-Luc en plan serré et Claire Chazal, toujours bienveillante, déclarait : «On aperçoit derrière vous des drapeaux et des gens qui se massent.» La grande illusion.
Seulement voilà, pour réussir son coup, Méluche fut bien obligé de s’entendre avec la chaîne du capitalisme, de Bouygues et «des patrons voyous», copiner avec des journalistes, «cette sale corporation voyeuriste et vendeuse de papier», et tout ça pour la bonne cause : sauver à tout prix les apparences, déguiser la vérité.
Oui, mais manque de bol, un journaliste d’Euronews habitant dans l’immeuble d’en face immortalisa la scène en la photographiant : devant la caméra, un Jean-Luc Mélenchon, seul, perdu au milieu de l’avenue des Gobelins, avec en arrière plan, tel un décor de carton-pâte, un dernier carré de supporteurs fidèles… cliché dévastateur !
On pense à Sarkozy convoquant des figurants habillés en ouvrier lors de la visite d’un chantier ou au film de Patrice Leconte Tandem lorsque Rochefort, animateur has been, continue de présenter son émission de radio alors que celle-ci n’est plus diffusée depuis des semaines. Son ingénieur du son, Gérard Jugnot, ayant préféré lui cacher la vérité. Alors, comment expliquer ce désamour si soudain du public ? Comment un homme qui, il y a deux ans, rassemblait 120 000 personnes, peine-t-il aujourd’hui à en réunir 7 000 ? Y a-t-il une malédiction des Jean-Luc ? Jean-Luc Lahaye et aujourd’hui… Mélenchon. Comme toute vedette qui ne remplit plus ses salles, Jean-Luc tente des come-back désespérés, multiplie les provocations : «Cuba n’est pas une dictature ; Pierre Moscovici ne pense pas français mais finance internationale ; le Petit Journal est la vermine du FN ; les Normands sont des alcooliques et des Français arriérés.»
A gauche comme à droite, les critiques pleuvent, ses anciens camarades parlent «de vocabulaire des années 30, de relents antisémites». Méluche n’en a cure et s’enferre dans la surenchère.
Qu’est-il arrivé au truculent Jean-Luc, cet ancien prof de lettres qui jadis nous réjouissait de sa verve picaresque et de ses mots d’esprit ? Où est passé celui qui nous avait tous fait rire en qualifiant Hollande de «capitaine de pédalo» ?
On évoque le syndrome Dieudonné, cet ancien humoriste, aujourd’hui révisionniste, abonné désormais aux jeux de mots nauséabonds.
Pour revenir dans la lumière, Jean-Luc est prêt à tout, n’hésitant pas à renier les raisons pour lesquelles son public l’a aimé. Quand le porte-parole des oubliés, des laissés-pour-compte déclare lors d’une visite au Bourget : «Ne voyager qu’en classe affaires… avoir passé l’âge d’aller se briser le dos en classe économique», on crut d’abord à une énième boutade, Jean-Luc n’avait pas les moyens de s’offrir un tel luxe : 6 000 euros pour un Paris-Pékin sur Air France, plusieurs mois de Smic… impossible ! Puis, le patrimoine de nos élus étant consultable, on s’amusa à vérifier. Avec une indemnité totale de 144 108 euros par an en tant que député européen (exonéré de CSG et de CRDS) plus les droits d’auteur de ses livres et ses biens personnels estimés à 800 000 euros, Jean-Luc peut effectivement s’offrir la classe affaires. De là, à vouer aux gémonies les salauds de riches tout en s’affalant dans le siège inclinable d’un jet au Bourget… On peut comprendre que dimanche dernier, certains militants aient préféré économiser le prix d’un ticket de métro plutôt que d’aller l’applaudir.
Malheureusement, le pire est à venir car le vieux cabot de la politique ne supporte pas la relève. Ainsi les Bretons qui lui ont volé sa révolution sont «des esclaves manifestant pour les droits de leur maître». Jean-Luc, à l’instar d’une Chantal Goya, saura-t-il trouver un second souffle, une deuxième jeunesse ?
Sur le modèle d’Age tendre et tête de bois, pourquoi ne pas envisager une tournée des idoles, une croisière en compagnie d’anciennes gloires de la politique : «Antoine Waechter, Michel Noir, Arlette Laguiller, François Léotard». Eviter à tout prix le combat de trop car, un jour, celui qui amuse encore les médias, l’imprécateur des émissions de variétés ne fera plus d’audimat… la surenchère ne suffira plus et les sunlights s’éteindront définitivement.
Stéphane GUILLON

Jean-Luc Mélenchon, repoussoir préféré du pays enchanté

D’abord, c’est Jean-Luc Mélenchon qui est accusé d’avoir truqué l’image. Son interview en duplex sur TF1, quelques minutes avant le début de la manif contre les hausses de TVA, a été filmée devant quelques manifestants formant décor dans une rue déserte.
De son balcon, un journaliste néerlandais a photographié la manip. Buzz. Scandale. Questions. Le CSA se saisit de l’affaire. Coup de théâtre le lendemain : pour illustrer le bide de ladite manif de Mélenchon (100 000 manifestants selon les organisateurs, 7 000 selon la préfecture de police), i-Télé et Canal + diffusent des images d’une foule clairsemée, images provenant d’une manif de la veille, en commémoration de la «Marche des beurs». La foule clairsemée que balance donc à Mélenchon le chroniqueur Trapenard, et qui suscite les ricanements d’Aphatie sur le plateau du Grand Journal, est donc une autre foule. Pas celle de Mélenchon. Dès le lendemain, Mélenchon et les mélenchoniens sautent sur cette erreur providentielle de Canal + qui a confondu les deux manifs. Ils demandent la saisine du CSA. Un partout, balle au centre.
Mais il leur a fallu quelques heures pour réagir. Lui-même présent sur le plateau du Grand Journal ne s’est pas aperçu sur le moment de l’erreur de Canal +. Même s’il fanfaronne comme d’habitude («Mélenchon, il sort pas de l’œuf») il ne voit même pas le bout de la colonne du génie de la Bastille qui lui mettrait la puce à l’oreille (car sa manif n’y est pas déroulée), il semble vaincu par la démonstration fausse de Canal +, tout empatouillé qu’il est dans ces histoires de comptage, peut-être est-il fatigué de se débattre dans cette spirale dans laquelle il est englué, dans laquelle chacun de ses mouvements l’englue davantage, devenu à son tour comparse de de Caunes, clown accessoire du Grand Journal («Mélenchon il sort pas de l’œuf», répète tendrement de Caunes, amusé par la gouaille légendaire de l’invité), clown dénonciateur des injustices, des exploitations, terrassé par son paradoxe de clown dénonciateur de la clownerie majuscule, le terrible paradoxe de rendre digestible un discours radical dans la société du spectacle.
Mélenchon s’énerve, il ne sait plus où il est, il s’en prend au journaliste néerlandais qui a pris la photo de son balcon, il le traite de «planqué», de «glandu de première», de «péquenaud», il préfère s’en prendre à lui qu’à ses nouveaux copains de clownerie de Caunes et Trapenard, il se trompe de cible, c’est incroyable qu’une telle intelligence se trompe de cibles avec une telle constance, se refuse avec une telle obstination à apprendre à diriger sa colère, fonce dans les pièges, tête baissée, et en souriant, parce qu’on lui a répété qu’il fallait sourire à de Caunes, et ce conseil-là il l’a entendu, conseil pas plus stupide que les autres, mais incohérent.
Pendant ce temps, ce dont on ne parle plus, c’est la scandaleuse hausse de la TVA qui va frapper les pauvres, ceux qui ne peuvent pas protester, ne sont même pas venus à la manif de Mélenchon parce qu’ils n’en ont pas l’idée, parce que c’est Paris, parce que c’est loin, parce que même Mélenchon quand il passe à la télé, ce n’est plus pour parler de la TVA, c’est pour répondre à Trapenard et à Aphatie qui lui balancent des fausses images, c’est pour jouer avec eux, jouer à un jeu cruel et incompréhensible, jeu mortel où il a tout à perdre et si peu à gagner, mais jouer avec eux, vivre avec eux, les retrouver matin, midi et soir, de micro en micro, accepter ce destin d’être le repoussoir fétiche du pays enchanté, leur doudou râleur, un peu rugueux, mais qui se laisse tout de même caresser à la fin, et reviendra demain.
Qu’il puisse placer à égalité sa colère contre les hausses de TVA et celle contre le journaliste néerlandais, qu’il puisse perdre de vue, lui Mélenchon, le scandale silencieux de la hausse de la TVA, celui qui ne fera jamais rire de Caunes, voilà qui est incompréhensible, inquiétant, terrifiant. En même temps, on comprend bien. Il aurait tant aimé qu’ils soient 100 000 derrière lui, Mélenchon, pour dénoncer les hausses de TVA. Mais ils n’étaient pas 100 000, même s’ils étaient bien plus que les 7 000 de Valls. Et il ne comprend pas, Mélenchon, pourquoi ils ne sont pas 100 000. Et sans doute ce semi-échec le terrifie, et il se retourne contre le journaliste néerlandais qui a touché ce nerf-là, celui de l’échec d’une mobilisation qui aurait dû emporter la république.
Pendant trois jours, c’est le sujet unique du buzz. Qui a bidouillé le plus, entre Mélenchon - TF1, et Canal + - i-Télé ? Et toutes ces précieuses minutes d’antenne ne sont pas consacrées au motif de la manif : la hausse piteuse de la TVA, malgré toutes promesses antérieures des socialistes. Mais où est le plus dommageable biais de l’information ? Dans les bidouilles par les uns et par les autres des chiffres de manifestants, ou dans le fait que ces bidouilles-là volent du temps d’antenne aux bidouilles par le gouvernement du taux de TVA ?
Daniel SCHNEIDERMANN

mercredi 11 décembre 2013

Le mélenchon , le repoussoir...



Jean-Luc Mélenchon, notre grand poète national
Jean-Luc Mélenchon est né à 60 ans. Auparavant, il n’avait été qu’un second couteau au sein du Parti socialiste, talentueux et insatisfait. Toujours mêlé aux tentatives pour fortifier l’aile gauche du PS, toujours déçu, il avait été bizarrement le benjamin du Sénat, un lieu où il détonait sans franchir les bornes, puis ministre modeste et loyal du gouvernement Jospin.
Sa véritable vocation, il l’avait découverte aux meetings des partisans du non au référendum européen de 2005. Là, aux côtés de Marie-George Buffet ou Olivier Besancenot, il était au départ le moins connu mais il était vite devenu le plus applaudi. Son éloquence torrentielle, sa verve insolente, ses dénonciations furibondes enchantaient le public. L’ex-trotskiste, l’éternel militant, l’homme politique impatient d’un destin avait compris que son avenir était là, en figure de proue de la gauche anticapitaliste. Départ du PS, fondation du Parti de gauche, conquête de l’investiture communiste et soudain, avec la campagne présidentielle de 2012, Jean-Luc Mélenchon est enfin devenu Jean-Luc Mélenchon, le premier tribun de France, l’imprécateur à la mode, le procureur enfiévré de l’infâme société française, le polémiste le plus saignant. La France retrouvait l’un de ses archétypes politiques les plus populaires : le grand poète national en colère.
Ce n’est pas un hasard si Jean-Luc Mélenchon aime lire quelques paragraphes bien choisis de Victor Hugo pour clore ses meetings. La France a toujours mêlé la politique, l’histoire et la littérature. Le candidat du Front de gauche, cultivé, irascible et bretteur, trouve là la source naturelle de son inspiration. En 1848, l’homme le plus populaire de l’Hexagone s’appelait Lamartine.
Sous le Second Empire et durant les commencements de la IIIe République, la figure de Victor Hugo resplendissait. L’écrivain, le poète régnait sur le débat public. Par ses livres, par ses vers, par ses exils, par ses discours, par ses interventions parlementaires, Victor Hugo surplombait la scène culturelle et politique, accessible et démesuré, farouche et emporté, incomparable procureur, propagandiste flamboyant, généreux et injuste, visionnaire et rêveur. C’est dans ses pas, c’est à sa suite que s’inscrit Jean-Luc Mélenchon.
On peut évidemment en faire deux lectures. Il y a le candidat, rugissant de tribune en tribune, tempêtant de studio en studio, avec son tempérament dévastateur, ses emportements incessants, ses trouvailles cocasses et ses injures déplaisantes. Il n’a d’indulgence pour personne hormis pour lui-même. Il traite François Hollande de «capitaine de pédalo» (la vanne la plus méchante de la campagne, tous candidats réunis), Marine Le Pen de «semi-démente», les journalistes femmes qui ont le malheur de lui déplaire de «perruches», les journalistes hommes qui le contrarient de «laquais». En revanche, il s’offusque d’être attaqué à son tour et se transforme aussitôt en grand persécuté. Tel quel, il marque des points, avance dans les sondages, frappe l’opinion. A la Bastille, il a raté son discours mais il a attiré la foule la plus gigantesque que l’on ait vue depuis les manifestations célèbres des grandes grèves de 1995.
Il y a bien, dans cette campagne, un phénomène Mélenchon. Si ses scores actuels se confirment, il pèsera lourd sur le second tour, contraignant peut-être François Hollande à se radicaliser - c’est l’espérance de la droite - entraînant néanmoins ses électeurs derrière le candidat socialiste, effarouchant en revanche les bataillons centristes. Il aura compté.
Il aura surtout ressuscité la part du rêve. Dans cette campagne, il y a les protagonistes du possible (François Hollande, François Bayrou, Nicolas Sarkozy), il y a les porteurs de cauchemars (Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan) et il y a notre grand poète national, l’homme qui incarne l’utopie, qui agite les chimères, qui prophétise un autre monde où régnerait la justice, où trônerait l’égalité, où s’épanouirait la vertu.
Ce serait la revanche des Misérables, le triomphe des Châtiments, une authentique république socialiste, un gouvernement en cravate rouge. Les marchés seraient domestiqués, le capitalisme serait éradiqué, les grandes entreprises seraient réquisitionnées. Comme au XIXe siècle, la France s’enflammerait, l’Europe flamberait. Nos voisins se convertiraient, on réaliserait les Etats unis d’Europe du père Hugo, on réussirait la VIe République. Ce serait l’heure des comptes et le carillon du changement. On pourrait de nouveau inventer, imaginer, espérer, mobiliser. Ce serait la revanche du romantisme incandescent sur les contraintes et les épreuves des alternances prosaïques. C’est le livret de l’opéra mélenchonien. S’il n’était pas joué, à défaut, alors il faudrait que Jean-Luc Mélenchon se contente, faible exutoire, du ministère des masses.
ALAIN DUHAMEL